La marge d’erreur en maçonnerie est souvent invoquée par l’entreprise lorsqu’une construction ou une rénovation présente des écarts par rapport aux dimensions prévues. Ce constat est généralement très mal vécu pour ceux qui se retrouvent avec des métrages non respectés. C’est souvent le projet d’une vie, pensé pendant des années et nécessitant bien souvent des sacrifices. Chaque centimètre compte. Mais que signifie réellement cette “marge d’erreur” invoquée par les maçons ? Existe t’elle vraiment ? Et surtout, quels sont les droits des clients dans de telles situations ?
Rappel de vos droits avec un CCMI
Si vous envisagez de construire une maison individuelle ou un bâtiment comportant jusqu’à deux logements destinés au même propriétaire, sachez que le Contrat de Construction de Maison Individuelle (CCMI) est obligatoire. Ceci est valable quel que soit l’usage (habitation ou mixte) et sur un terrain appartenant à ce propriétaire. Ce contrat doit être conclu avec tout constructeur qui prend en charge les travaux de mise hors d’eau et hors d’air. Il peut inclure ou non la fourniture de plans. Dans le premier cas, la construction se fait selon un plan proposé par le constructeur, tandis que dans le second cas, le constructeur se charge de la réalisation des travaux de gros œuvre, de mise hors d’eau et hors d’air. Bien souvent, vous aurez un plan avec les métrages associés.
Ce CCMI est largement reconnu pour fournir une protection maximale aux acquéreurs, et est souvent perçu comme le contrat le plus sécurisé selon la législation en vigueur. En effet, en matière de construction de maisons individuelles, la législation prévoit que la loi encadrant la construction de maisons individuelles se substitue expressément au Code Civil.
Dans quel cas la marge d’erreur est évoquée par le constructeur?
La marge d’erreur est souvent mentionnée par le constructeur dans deux cas principaux : les erreurs de métrage et les erreurs d’implantation.
Les erreurs de métrage peuvent se produire lors de la prise des mesures finies. Par exemple, un mur pourrait être légèrement plus court ou plus long que prévu, ou une pièce pourrait avoir des dimensions légèrement différentes de celles indiquées dans les plans. Dans ces cas, le constructeur pourrait invoquer une marge d’erreur pour justifier ces écarts par rapport au plan.
De même, les erreurs d’implantation peuvent être en écart par rapport aux repères et aux mesures prévues dans les plans. Par exemple, les fondations pourraient être légèrement décalées par rapport à leur emplacement prévu, ou les murs pourraient être légèrement inclinés ou mal alignés. Dans ces situations, le constructeur pourrait également invoquer une marge d’erreur et vous suggérer de demander en mairie un permis modificatif mentionnant qu’il s’agit d’une adaptation mineure.
La marge d’erreur est-elle recevable?
Le Code de la Construction et de l’Habitation (articles 231-1 et suivants) ne laisse aucune possibilité au constructeur de se soustraire à son obligation de livraison conforme. En d’autres termes, aucune marge de tolérance n’est prévue en ce qui concerne les mesures et les dimensions prévues dans le contrat. La conformité de la construction par rapport aux plans représente donc un engagement ferme du constructeur de maison individuelle, sans possibilité de dérogation.
La marge d’erreur sur les métrés annoncée de 5% par certains constructeur est donc totalement fausse. Rendez-vous compte, 5% sur une maison moyenne de 112,2 m² cela signifierait 5.56m². Ajouté à cela un prix moyen de 1.894 €/m² cela représente donc 10 530,64€ ! C’est énorme et inconcevable.
Dans le cas d’une erreur d’implantation, celle-ci témoigne d’un non-respect des plans déposés en mairie lors de l’obtention du permis de construire. Cette non-conformité compromet l’intégrité de la construction, remettant ainsi en question sa validité. Encore une fois, le constructeur est dans l’obligation de respecter les plans. Aucune marge d’erreur ne peut être énoncée.
Si le constructeur vous suggère de demander un permis modificatif en s’appuyant sur l’article L 152-3 du code de l’Urbanisme pour justifier des écarts, renseignez vous d’abord auprès de la mairie. Selon l’adaptation, ils vont d’ores et déjà vous donner la tendance: acceptation possible ou refus.
Quoiqu’il en soit, rappelez-vous que l’erreur n’est pas de votre fait et que vous pouvez engager des démarches auprès de votre constructeur.
Quels est votre recours ?
Notification sur le PV de réception
Le constructeur sous contrat CCMI est tenu de vous livrer la maison conforme aux termes du contrat. Cela implique la réalisation d’un procès-verbal de réception de votre habitation, lors duquel il est essentiel de noter toutes les réserves nécessaires.
Il est primordial de ne pas hésiter à signaler même les problèmes apparemment mineurs: couleur des murs, porte qui ne se ferme pas correctement, poignée défectueuse, charpente laissée dehors etc.
Ceci est donc d’autant plus crucial en cas de métrage erroné, même dans des espaces non conventionnels (exemple: placard sous escalier). Toutes les réserves doivent être consignées par vous-même ou par un professionnel que vous aurez désigné. Il en et de même concernant l’erreur d’implantation.
Sachez que le constructeur n’a pas le droit de s’opposer à ces réserves, mais il doit y répondre formellement. Une fois les réserves faites, y compris celles liées à la surface de votre logement ou son implantation, il est nécessaire de mettre le constructeur en demeure de rectifier les erreurs ou de vous indemniser.
En effet, c’est au constructeur qu’incombe la responsabilité de lever les réserves, c’est-à-dire de corriger les erreurs signalées et de procéder à une nouvelle réception des travaux afin de constater qu’elles ont été levées.
S’il omet de le faire, il engage sa responsabilité. Il est crucial de souligner que vous ne devez pas rester passif, car vos droits sont soumis à prescription. En effet, l’action en réclamation est soumise à une prescription d’un an à compter de la livraison du bien ou de la notification des réserves.
Se faire assister d’un professionnel
Il est fortement recommandé de se faire assister par un professionnel (ex: huissier) pour la rédaction des réserves ainsi que pour leur levée définitive. Méfiez-vous des protocoles transactionnels intermédiaires que le constructeur pourrait proposer. En effet, la signature d’un tel accord intermédiaire peut compromettre vos droits à réclamation.
En cas de litige persistant, la résolution du conflit se fera généralement devant un tribunal. Étant donné le coût élevé des expertises judiciaires, il est judicieux de souscrire immédiatement à une assurance protection juridique qui couvrira les risques liés à la construction. Le coût d’une telle assurance est généralement faible compte tenu des sommes engagées. Comptez environ une centaine euros par an. Elle est essentielle car elle vous protégera contre les frais juridiques considérables.
Une question va rapidement se poser: allez-vous réclamer une compensation financière proportionnelle à la perte de surface ou à la perte de jouissance ? Les implications sont différentes dans le règlement du litige. La compensation financière proportionnelle à la perte de surface concerne directement les mètres carrés manquants ou en excès par rapport aux dimensions convenues. Cette compensation vise à réparer le préjudice financier subi en raison de la réduction ou de l’augmentation de la surface habitable ou utilisable de la maison.
D’autre part, la compensation financière proportionnelle à la perte de jouissance concerne les désagréments ou les limitations subis en raison des écarts de surface. Cela peut inclure des perturbations dans l’utilisation prévue des espaces, une altération de la fonctionnalité ou de l’esthétique de la maison, ou encore une diminution de la valeur de revente due à ces problèmes.
Vous trouverez ci-dessous une vidéo très intéressante sur le CCMI: